L’heure est venue de briller pour le carbure de silicium

 » O2 et Écologie  » est l’un des sept grands thèmes de la stratégie DECALIA Sustainable qui façonnera la société de demain.

Le carbure de silicium présente un potentiel gigantesque, et voici ce que vous devez savoir à son sujet :

  • Les puces de puissance (power chips) en carbure de silicium peuvent supporter des niveaux de puissance plus élevés, affichent des valeurs de résistance plus faibles et sont plus efficientes sur un plan énergétique que les puces en silicium
  • Dans le cas d’un véhicule électrique, ces propriétés assurent une autonomie accrue pour une batterie identique, ainsi qu’un poids total nettement plus faible
  • Le processus de production du carbure de silicium est relativement simple, la seule difficulté étant liée au découpage des lingots très fragiles qui sont extraits des fours 
  • Au-delà du secteur en plein essor des véhicules électriques, le carbure de silicium offre d’énormes opportunités de croissance dans d’autres technologies liées aux énergies vertes (notamment les panneaux solaires et les éoliennes), sans oublier le vaste marché du chauffage, de la ventilation et de la climatisation (CVC)

Interview de Quirien Lemey, co-lead PM de la stratégie DECALIA axée sur les secteurs innovants et les entreprises disruptives.

Quirien, pourriez-vous commencer par expliquer comment fonctionnent les puces de puissance et dans quels types d’équipements elles sont utilisées ?

Les puces de puissance représentent une part relativement faible du marché global des semi-conducteurs (environ 10%), mais elles sont essentielles à tous les systèmes contenant ou fournissant de l’électricité. En effet, au lieu de générer des uns et des zéros comme le font les puces numériques, les puces de puissance délivrent un courant électrique. Elles servent également à commuter le flux de courant entre le courant continu (CC) et le courant alternatif (CA).

Quelles sont les différences entre les puces de puissance en carbure de silicium et celles en silicium ordinaire ?

A l’heure actuelle, la grande majorité des puces sont en silicium. Les avantages du carbure de silicium par rapport au silicium ordinaire, en particulier pour les puces de puissance, sont sa capacité à supporter des niveaux de puissance plus élevés, sa moindre résistance et son efficience énergétique accrue.

Et c’est sans compter les autres avantages des puces en carbure de silicium. En effet, pour gérer une tension équivalente, une puce en carbure de silicium peut être beaucoup plus petite que son homologue en silicium, ce qui signifie moins de systèmes de refroidissement, moins de composants passifs et moins de câbles.

Pourquoi cette émergence soudaine du carbure de silicium ?

Son adoption dans le modèle 3 de Tesla en 2017 a marqué le début de la transition. Mais le véritable point d’inflexion est intervenu lors du défi 2020 entre la Tesla Model S et la Porsche Taycan. La Tesla Model S, pour laquelle Elon Musk avait décidé de parier sur des puces de puissance en carbure de silicium, a effectivement ridiculisé sa concurrente sur le plan de l’autonomie, malgré une batterie à double tension mais pour le double du prix! Une performance qui, inutile de le dire, a poussé tous les autres constructeurs automobiles à prendre le train en marche.

Le carbure de silicium doit bien présenter quelques inconvénients : le coût, l’approvisionnement en matières premières, les difficultés de fabrication ?

La plus grande efficience énergétique du carbure de silicium est vraiment le point essentiel à retenir pour les lecteurs et l’argument qui rend ses perspectives à long terme si prometteuses. Mais plusieurs obstacles doivent encore être franchis avant une adoption massive.

En termes de coût, une puce de puissance en carbure de silicium est effectivement (à ce jour) beaucoup plus chère qu’une puce en silicium, même si ce n’est pas nécessairement un problème en soi. Car le facteur qui compte, c’est le coût global de fabrication.

Les matières premières ne posent pas non plus de gros problème. Le carbure de silicium, comme son nom l’indique, est une combinaison de silicium et de carbone. Sur terre (et contrairement à l’espace), on le trouve rarement sous sa forme naturelle. Mais sa production synthétique est un processus relativement simple, même s’il est long: le sable siliceux et le carbone sont en effet mélangés dans des fours à très haute température. Là où les choses se compliquent, et ce qui constitue actuellement le principal obstacle au déploiement de masse, c’est le découpage en tranches des lingots de carbure de silicium qui sortent des fours, et sur lesquels sont ensuite installées les puces de puissance. Le carbure de silicium est beaucoup plus dur et plus fragile que le silicium. Il est donc beaucoup plus difficile à découper et une part beaucoup plus importante du lingot est gaspillée.

Selon certains spécialistes, le nitrure de gallium est également très prometteur dans le domaine des puces de puissance. Faut-il le voir comme un complément ou un concurrent du carbure de silicium ?

Les puces de puissance en nitrure de gallium ont commencé à se développer dans les chargeurs de téléphone. Elles sont désormais installées dans des ordinateurs portables.

Nous tenons toutefois à souligner que les puces en nitrure de gallium, en raison de leur construction horizontale, ne peuvent pas prendre en charge la puissance de tous les types d’équipement. Plus l’appareil est puissant, plus la puce doit être grande. Construites verticalement, les puces en carbure de silicium ne sont pas autant limitées, ce qui, selon nous, offre des perspectives encore plus prometteuses.

En parlant des entreprises du secteur, pouvez-vous nous présenter la chaîne de valeur d’un véhicule électrique ?

En tant qu’investisseurs, nous suggérons de nous concentrer sur les segments de la chaîne d’approvisionnement des véhicules électriques (cf. ci-dessus) qui présentent la plus grande valeur ajoutée, ainsi que des modèles commerciaux solides.

Par exemple, nous apprécions le secteur des semi-conducteurs de puissance, avec des sociétés comme ON Semi, qui bénéficie de barrières à l’entrée relativement élevées, de contrats à long terme et de l’impact très positif de la transition vers les véhicules électriques.