Des bâtiments plus «verts»

• Des chauffages et climatiseurs plus efficaces sont essentiels face à l’urgence climatique

• Technologie, réglementation et investissements influent sur le «carbone opérationnel»

• A terme, il s’agira de réduire le «carbone incorporé», autre opportunité d’investissement

Outre leurs ramifications géopolitiques, économiques et humaines, les événements dramatiques en Ukraine ont poussé le prix du pétrole au-delà des USD 100, un énième rappel de la nécessaire transition énergétique. Les bâtiments générant aujourd’hui quelque 40% des émissions de CO2, il devient impératif de recourir à des procédés/matériaux de construction plus écologiques.

Le chauffage et la climatisation représentent à eux seuls près de la moitié de l’énergie consommée par un bureau ou une habitation standard. L’industrie mondiale du CVC – acronyme pour chauffage, ventilation et climatisation – pèse plus de USD 240 milliards et devrait croître de 50% d’ici 2030. Aux États-Unis, plus de 75% des foyers (90% des nouveaux) sont équipés de climatiseurs. Une prévalence qui est bien sûr plus faible en Europe, quoique les pompes à chaleur aient changé la donne, entraînant une croissance annuelle de 7% sur la dernière décennie.

Des chiffres importants qui font du CVC une industrie particulièrement propice à une transition – et à l’investissement dans cette transition. Une meilleure efficacité énergétique passe avant tout par des progrès technologiques. Les onduleurs, en particulier, en contrôlant la vitesse du moteur du compresseur d’un climatiseur, permettent désormais de réguler la température ambiante à un niveau confortable tout en réduisant de plus de moitié la consommation électrique. Sans parler du bruit atténué ! Notons que c’est le Japonais Daikin Industries qui domine actuellement le marché des climatiseurs, avec 11% du marché mondial en 2020, suivi par les Chinois Midea Group et Gree Electric Appliances, puis les Américains Trane Technologies, Johnson Controls et Carrier Global.

L’autre moteur important d’une amélioration de l’efficacité énergétique est bien sûr étatique, via des dépenses infrastructurelles, American Rescue Plan ou EU Green Deal notamment, mais aussi une réglementation plus stricte. Au 1er janvier 2020, les États-Unis ont fini d’éliminer le réfrigérant R22 (ou fréon) couramment utilisé dans climatiseurs – une mesure décidée de longue date vu le fort impact du R22 sur la couche d’ozone. Et, en 2023, le SEER (coefficient d’efficacité frigorifique énergétique) minimum imposé par le ministère américain de l’énergie passera de 13 à 14 – pour toute nouvelle installation de climatisation, mais aussi le remplacement d’un modèle ancien.

Cela étant, le chemin vers des bâtiments plus écologiques sera semé d’embûches. L’industrie du CVC, à l’instar de l’économie plus largement, connaît actuellement des soucis d’inflation et de pénuries – conséquences du Covid. Après le compresseur (30% du coût), le cuivre et l’aluminium figurent parmi les principaux composants d’un climatiseur résidentiel. Quant aux pénuries, elles concernent non seulement les équipements, mais aussi les installateurs qualifiés.

A terme, dès lors que l’efficacité opérationnelle des bâtiments aura été améliorée, il faudra aussi agir sur les émissions de carbone induites par leur construction. Selon certaines estimations, le « carbone incorporé » devrait en effet dépasser le « carbone opérationnel » d’ici 2035. Partant, les promoteurs devront se tourner vers des matériaux de construction alternatifs, tels que les substituts du ciment – malheureusement encore peu aboutis et coûteux. Du point de vue des investisseurs, une chose est cependant claire : un portefeuille ESG ne peut être construit sans quelques briques vertes…

Ecrit par Andrea Biscia, ESG Analyst & Junior PM

Le conflit ukrainien assombrit les perspectives

• Inflation, hausse de taux et tensions géopolitiques exacerbent la volatilité

• Un risque accru de stagflation complique la tâche des banques centrales

• Ce nouveau contexte pèse évidemment sur les actifs à risque

Alors que les économies étaient en voie de guérison et que les principales banques centrales prévoyaient de normaliser leur politique monétaire, les investisseurs ont dû faire face à un nouveau choc exogène inattendu. Les événements dramatiques qui se déroulent en Ukraine et les tensions croissantes entre la Russie et l’Occident ont en effet relégué au second plan les principales préoccupations des investisseurs (inflation persistante et hausse des taux).

S’il est évidemment difficile d’évaluer précisément quelles pourraient être les conséquences économiques de ce conflit, il est probable qu’il aura un impact négatif sur la croissance, notamment dans la zone euro. Toutefois, les dommages devraient être assez limités -et donc gérables- en supposant que le conflit ne s’intensifie pas davantage. L’inflation devrait également augmenter à l’échelle mondiale, car les prix de l’énergie, ainsi que d’autres matières premières, sont en hausse, étant donné la prépondérance de la Russie dans ce domaine. Toutefois l’impact sur l’inflation de base devrait être plus limité. Enfin, la tâche des banques centrales se complique nettement car elles souffrent, comme nous, d’un manque de visibilité, et la politique monétaire ne peut pas résoudre les problèmes d’inflation liés à l’offre. Un contexte d’affaiblissement de la croissance et d’augmentation des pressions inflationnistes est certainement l’angle mort des banquiers centraux. Quoi qu’il en soit, ce nouveau contexte macroéconomique plaide pour que les politiques monétaires des marchés développés restent prudemment en retrait à ce stade, d’autant plus que les conditions financières se resserrent maintenant indirectement.

Par conséquent, la probabilité attachée à notre scénario de base, plutôt constructif, a diminué, alors que celle d’un scénario plus adverse a évidemment progressé.  Malheureusement, les marchés ne nous ont pas attendus pour s’adapter à ce nouveau régime, car de nombreuses mauvaises nouvelles sont déjà intégrées dans les prix. Mais, à ce stade, si le manque de visibilité nous a empêchés de prendre des mesures extrêmes, nous avons toutefois décidé de réduire l’exposition globale au risque.

Dans cette optique, au niveau du portefeuille, nous adoptons tout d’abord une position neutre sur les actions en diminuant principalement les actions européennes (déclassées de facto en légère sous-pondération), qui sont les plus exposées aux conséquences économiques et financières de ce conflit étant donné leur proximité et leur dépendance à l’énergie russe. Ensuite, si nous conservons un positionnement sous-pondéré en obligations, nous devenons également plus prudents sur le risque de crédit. Nous abaissons donc le crédit IG et HY ainsi que la dette des pays émergents à une légère sous-pondération, car l’environnement sera probablement moins favorable, avec des conditions financières plus strictes, une réduction de la liquidité, des incertitudes géopolitiques et une éventuelle erreur de politique monétaire (qui mènerait à une récession).

A l’inverse, notre position sur les bons du Trésor américain est passée a légèrement surpondérée en raison de leur liquidité et de leur caractère de valeur refuge, mais aussi parce que la courbe des taux américains intègre déjà une grande partie de l’attitude «hawkish» de la Fed, alors que la fin de l’assouplissement quantitatif et la politique de taux négatifs de la BCE pourraient s’avérer beaucoup plus dommageables pour les marchés obligataires européens à l’avenir.  Dans la partie Alternatives, pour les mêmes raisons évoquées ci-dessus, nous avons abaissé légèrement notre préférence pour les private markets et l’immobilier. En ce qui concerne l’exposition aux devises, notre position sur le CHF, soutenu par de solides fondamentaux structurels, a été relevée à une légère surpondération. Enfin, nous adoptons une légère surpondération sur l’or, étant donné qu’il agit comme une valeur refuge dans différents scénarios de risques extrêmes, tels que la stagflation, la montée des tensions géopolitiques ou les troubles sociaux, ainsi que dans le cas d’une erreur de politique monétaire; alors que sa baisse semble maintenant assez limitée suite aux derniers messages de la Fed.

Ecrit par Fabrizio Quirighetti, CIO, Responsable des stratégies multi-asset et obligataires